
Il y a des actions qui parfois méritent que l'on se souvienne de leur parcours tant leur histoire vivante ne se développe pas à l'aide d’une pédagogie toute tracée. Au commencement, et c'est le cas de toute action qui prend sa source dans un centre social, il y a des besoins clairement identifiés. Ils sont vérifiés ici par plusieurs écoles d'Escautpont et par le comité de projet du centre AGATE : un déficit culturel existe sur notre territoire et la lecture si elle a son importance au sein de l'école n'a que peu d'emprise dans les foyers.
L'atelier lecture du Centre socioculturel AGATE
Proposer de créer un atelier lecture au centre socioculturel AGATE ne s'inscrivait pas comme une évidence et accrocher d'emblée la participation des habitants chère aux centres sociaux n'allait pas forcément de soi. L'histoire aurait dû s'arrêter là, faute d'une participation exprimée, la page se serait tournée et le besoin se serait perdu dans le vide abyssal. Une autre activité plus prisée aurait pris place, réintroduisant la participation libre de toute contrainte dans la joie perpétuelle et le loisir permanent. L'équipe du centre social décide de maintenir le cap.
Vous qui parcourez cet article, ne croyez pas que c'est sous la contrainte que l'atelier s'est mis en place ! C'eût été une offense à la pédagogie positive et exclusive du libre choix très en vogue et conforme à la société d'aujourd'hui. Nous nous sommes appuyés sur un autre constat : les parents veulent le meilleur pour leurs enfants et la réussite scolaire est absolument désirée. C'est donc avec ce constat vérifié et la participation des écoles primaires que nous avons présenté l'action aux parents. Notre proposition fut la suivante: offrir aux parents qui le désirent une formation gratuite à la lecture afin d'entrevoir les apports pédagogiques qui donnent sens aux apprentissages et favorisent une meilleure réussite scolaire des enfants.
Neuf mamans ont participé à cette formation.
Peut-on l'affirmer ici du bout des lèvres et à voix basse !? L'éducation populaire demande aussi des apports de la part des accompagnateurs de l'action et c'est précisément parce qu'il y a apports pédagogiques que ceux et celles qui en bénéficient peuvent dans un choix éclairé se positionner. Cela pourrait s'appeler l'émancipation. Ce petit changement loin du conformisme annonce les vraies transformations sociales. Sur les neuf mamans inscrites en formation, huit ont voulu continuer l'aventure.
Quelques semaines se sont passées. Puis vint le moment où la dynamique de groupe a pu remplir son rôle pour dépasser la peur de lire devant un groupe d'enfants. Ce fut l'instant « magique » où le plaisir de lire à voix haute se doubla du bonheur d'être ensemble pour corriger les imperfections.
Par binôme, une maman prenait en charge la lecture tandis que l'autre maman imposait (terme banni de la pédagogie positive) un cadre précis, un rituel pour maintenir l'attention des enfants et faire en sorte que la concentration soit optimisée. Certains parents à ce stade ont appris par expérience que le lecteur pouvait capter l'attention en théâtralisant l'exercice.
Le groupe de mamans lectrices a tenu, s'est mis à exister jusqu'à passer plusieurs saisons et jusqu'à vivre le printemps des poètes dans un projet inscrit en politique de la ville.
Un second pari fut pris avec le groupe.
Dans le cadre du printemps des poètes et à l'occasion des portes ouvertes de la médiathèque d'Escautpont, les mamans avaient l'occasion d'aller vers un parterre d'enfants parfaitement inconnus du centre social pour lire à haute voix un poème.
Cette fois le groupe posait des exigences. Il fallait s'appuyer sur des images animées autour d'un ou plusieurs poème choisis par elles afin de capter l'attention des visiteurs, les focaliser sur les images et ainsi leur permettre de dire le texte, sans stress, à l'ombre des images projetées.
Pari tenu et succès assuré jusqu'à se faire applaudir en pleine lumière, de visiteurs inconnus qui ont apprécié leur prestation.
Aujourd'hui, ce sont elles qui insistent pour renouveler l'expérience.
Et aujourd'hui, ce sont elles qui incitent d'autres parents à venir les rejoindre. Malheureusement, si la saison est revenue, la COVID a stoppé net toute velléité de participation.
La vie du centre ne s'est pas arrêtée et les écrans ont remplacé le contact humain. Le projet Réseau Hainaut Solidaire est venu compléter l'aventure mais aussi relayer des savoirs. Ces belles rencontres engagées par Maxime Berger et Yoan Redmann ont fait écho chez nous.
En effet, c'est avec le plus grand bonheur que la transmission des savoirs que l'on pourrait nommer savoirs théoriques et pratiques sont désormais plus largement partagés. D'autant que Bruno Humbeeck, chercheur à l'université de Mons, spécialiste en socio-pédagogie familiale et scolaire sait de quoi il parle, en nuançant les modèles et les théories pédagogiques à suivre.
Depuis cette année, l’expérience s’est développée localement et c’est à l’échelle de la ville que les parents lecteurs essaiment leurs compétences avec l’appui de la Municipalité.
Aujourd'hui aussi, nous mesurons dans un projet en politique ville de la CAPH, combien ce parcours des mamans lectrices est riche d'enseignement et valorisant pour elles. L'avenir nous dira si cette construction pourra trouver aussi une valorisation des mamans jusqu'aux portes des écoles, dans cette coéducation que nous portons avec elles et sans se substituer à l'école elle-même. Nous voici attelés à la tâche avec cette fois la très grande détermination du groupe et le travail des mamans qui réussissent à susciter l'écoute chez l'enfant.
Voilà donc des mamans, dans ce long parcours qui mène jusqu'à l'université populaire, prêtes à maîtriser quelque peu leur sujet. Ce sont désormais les enfants qui écoutent leurs mamans pour découvrir d'autres univers ouverts sur l'imagination et sur le monde.
Retrouvez le dépliant " Les parents lecteurs " ci-dessous